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« La grande période de la République est désormais finie. Les rivalités de personnes prennent le pas sur les idées ; le Salut Public s’efface ou disparait derrière les intérêts privés ou derrière les rancunes et les passions. Le politicien remplace le politique » ; ainsi est présenté le Directoire par l’historien d’influence marxiste Albert Mathiez en 1929 dans La Réaction Thermidorienne mettant en évidence le caractère bourgeois de la République de l’an III ayant trahi les idéaux de la république sociale du gouvernement révolutionnaire de 1793.
Cette étude un peu trop rigide dans son analyse est aujourd’hui réévaluée par une approche plus objective de ce nouveau temps révolutionnaire. Ainsi Pierre Serna se détache-t-il d’une vision de cette période comme parenthèse historique, simple étape vers le Premier Empire dans une perception téléologique souvent trop présente. Il met en évidence l’importance de cette période de transition politique dans la perspective d’un nouveau dynamisme révolutionnaire. Cet aspect premier d’une république bourgeoise définie par Mathiez est perçue par l’historien comme une politique de « modération méritant d’être réétudiée, comme une authentique position politique revendiquée et ayant bien plus marqué la construction de l’espace politique français que les historiens l’ont pensé ».
Il s’agira d’étudier le phénomène des radicalités politiques en tant que facteurs construisant l’évolution des mentalités et structures sociales en tenant compte de la pression constante de groupes politiques. D’un côté se trouvent les contre-révolutionnaires royalistes et émigrés et de l’autre le groupe central dans ce processus politique, à savoir les jacobins de l’An III avec leur pensée de radicalité politique au centre des dynamiques de radicalités de la période.
Les images étudiées représentent l’imaginaire culturel et la pensée politique des différents acteurs de la dynamique de radicalité politique. Marqueurs d’une forme spécifique de radicalité par leur graphisme et leurs traits d’exagération, elles contribuent à véhiculer un message dénonciateur d’un évènement ou d’une figure politique. Certaines ont un but purement informatif, délivrant un évènement, une émotion populaire, un idéal populaire ; d’autres ont un but plus symbolique et même allégorique ; certaines sont porteuses d’un but plus caricatural, apparaissant particulièrement virulentes par le message dénonciateur qu’elles véhiculent. Nous tâcherons d’étudier une série d’illustrations qui se placent dans ce contexte particulier de transition politique et de nouvelles radicalités. Elles relèvent surtout d’un univers médiatique héritier du foisonnement journalistique datant de la première période révolutionnaire mais fortement contrôlé par le Directoire. Ce dernier a restreint la diffusion d’images critiquant le gouvernement à travers les journaux mais cela n’a pas empêché un développement clandestin ou une diffusion via l’étranger. L’analyse des images nous permet donc d’obtenir une vision globale et contrastée de l’époque et de mettre en lumière les dynamismes de radicalités qui s’y déroulent. Les images ont un rôle d’informer mais aussi de critiquer, donc de forger une opinion politique. Elles ont un impact persuasif, un pouvoir émotif et un rôle d’identification en sachant que la communication par l’image représente un outil puissant proposant un langage symbolique que chaque lecteur interprète en lui donnant du sens.
Il s’agira dans un premier temps d’analyser cette construction d’un système politique novateur du Directoire pouvant être perçu comme une république de l’extrême centre durant cette phase de stabilisation politique de l’après Terreur. Le programme institué crée sa propre radicalité afin de répondre aux pressions des jacobins toujours très actifs. Il s’agira d’étudier leur rôle mais aussi la radicalité du directoire face à ces menaces et projets démocratiques. Enfin la radicalité est à placer dans un contexte plus large en englobant les mouvements radicaux des républiques sœurs. Ces relations entre le Directoire et les groupes placés à l’étranger seront à analyser dans cet échange d’idées et de modèles politiques entre ces différents groupes.

La République de l'"extrême-centre"
Terminer la Terreur et stabiliser le politique

@2016 by Gauvain SIEMONS and Jean WOLF-MANDROUX. Proudly created with wix.com

Estampe eau-forte, col. ; 50,5 x 65 cm ,par Jean Duplessi-Bertaux (graveur) et Pierre Alexandre Wille (dessinateur), Edition chez Bonneville Paris, 1795.

Estampe eau-forte, col. ; 50,5 x 65 cm ,par Jean Duplessi-Bertaux (graveur) et Pierre Alexandre Wille (dessinateur), Edition chez Bonneville Paris, 1795.
La Terreur,
construction d'un mythe
Morale directoriale
Cette campagne d’Italie est le premier fait d'armes de Napoléon Bonaparte en tant que général. Elle lui permit d’acquérir un immense prestige en Europe, ce que l’éventail présente fort bien. Pourtant tout ne fut pas uniquement dicté par les idéaux républicains dans cette paix car Venise fut échangé contre les territoires du Rhin, rompant le principe de liberté des peuples non soumis aux puissants. Le militaire est donc acteur de radicalité et principalement dans les territoires extérieurs où la stabilité et la sécurité restent à construire.




Cette caricature très détaillée est une gravure du 13 mai 1795 destinée à illustrer l’action néfaste de Le Bon alors qu’une enquête s’ouvre sur ses exactions. Elle symbolise la diabolisation, l’animalisation de l’an II, de ses acteurs et la glorification de la République d’après thermidor. Joseph Le Bon (illustration 1 ci-contre à gauche) est debout sur des cadavres d’hommes et de femmes, la plupart décapités, et abandonnés dans une rivière. Il se situe au centre des deux guillotines « d’Arras et de Cambray », desquelles coule le sang des victimes qu’il boit dans des coupes d’or. Il agit comme un vampire, un monstre qui se nourrit de sang et de mort ; le graveur le met en avant au travers du thème artistique du massacre des innocents. Il fut envoyé en mission dans la Somme et le Pas-de-Calais, et ses violentes exactions conduiront à sa diabolisation après les 8 et 9 thermidor.
A sa gauche se trouvent deux bêtes sauvages (illustration 2 ci-contre à droite) qui se repaissent des restes des victimes : le thème de l’animalisation des hommes de la Terreur fut un point essentiel des attaques du Directoire et plus généralement de la caricature sous la Révolution, comme le montre bien dans son article P.Serna, « Droits d'humanité, droits d'animalité à la fin du 18e siècle, ou la matrice du « racisme social » en controverse. », Dix-huitième siècle 1/2010 (n° 42) , p. 247-263. Deux Gorgones (illustration 2) l’assistent à ses pieds, êtres qui inspirent la terreur auprès des hommes. Leur coupe de cheveux est semblable à la sienne, ce qui accroit la confusion entre le monstre et l’homme, accentuée par la rudesse de ses traits qui n’ont plus rien d’humain. Le Bon est ingénument placé au centre du tableau mais paradoxalement il se trouve loin de toute humanité et de toute lumière. L’arrière-plan ne montre rien d’autre qu’une immense prison, symbole de l’état policier répressif.
Sur un gouffre prêt à s’effondrer à gauche du tableau se trouvent des hommes, des femmes et des enfants habillés convenablement (illustration 3 ci-contre à gauche). Leur groupe forme un ensemble de suppliants que les femmes évanouies et les nombreuses mains implorant le ciel représentent. Baignés de lumière contrairement à Le Bon qui se tient dans la pénombre, le peuple aperçoit un ange descendant du ciel, drapé de rose, jouant de la trompette (instrument symbolique du destin, en lien avec les trompettes de l’Apocalypse), sur laquelle est écrit : « 9 thermidor Humanité Justice Vertu à l’ordre du jour ». À la mise à « l’ordre du jour de la Terreur » du 5 septembre 1793 (qui ne fut qu’une proposition) s’oppose cette nouvelle république vertueuse mise à l’ordre du jour par l’exécution des Robespierristes.
Au-dessus des nuages (illustration 4, ci-contre à droite) se trouve l’allégorie de la vérité, nue, avec derrière elle une tunique bleu ciel, portant dans la main gauche un texte sur les « angoisses de la mort », et dans la droite le miroir de sa propre essence qui démasque les tyrans. Elle semble perpétuer le mouvement de l’ange vers la terre, qui est initié par le couple de deux femmes assises à sa gauche dont l’une, en vert, tient avec douceur le voile de la Vérité. À ses côtés une autre en rouge, portant le sceptre du pouvoir et appuyée sur le rocher des « LOIX ». On retrouve des thèmes forts de la politique depuis la révolution : le Contrat Social de Rousseau avec la primauté de la loi ; le droit naturel comme socle indestructible de la nation ; la justice indépendante est représentée par le glaive et la balance à leurs pied. Le caricaturiste a présenté deux femmes qui se partagent le pouvoir, ce qui met bien en avant le souci de la Révolution, de la République de l’an III puis du Directoire de ne pas concentrer tous les pouvoirs (législatif, judiciaire et exécutif) dans les mains d’un seul homme. Au centre se trouve l’œil de l’Etre Suprême qui semble plutôt caractériser l’œil attentif de la raison qui englobe le monde dans son ensemble et qui unit les vertus autour de sa présence.






Légende : « La Fête de la Réunion : Dédiée à tous les Bons Citoyens. Ces jours de fête et de Réunion fraternelle s'ouvraient par une trêve universelle, oubli total du passé, purification entière En présence de toute la Grèce, l'ennemi embrassait son ennemi, et sans déshonneur, il ne leur était plus permis de se haïr. »
« Les droits de l’homme en société sont la liberté, l’égalité, la sûreté, la propriété » sont désormais les nouvelles valeurs de la république souhaitées par le Directoire. Menée par Boissy d’Anglas la Constitution de 1795 se fonde sur une éthique et une philosophie d’une république bourgeoise. La république directoriale se veut unificatrice de la société, la Nation ne devant former qu’une seule famille devant la Patrie. Continuant la tradition de fête civique et républicaine en 1789 puis 1792 les directeurs incluent les valeurs centrales de la constitution de 1795 qui sont célébrées à travers les « fêtes de la Réunion ». L’iconographie représentant ces fêtes sont comme un exemple à suivre vers un bonheur civique d’une société ayant oublié la période des menaces de l’An II. Ainsi le programme politique fondé sur la propriété par héritage et le libéralisme développe le mérite au travail permettant de s’élever en société et favorisant l’élévation sociale par le travail.
Se déroulant sur la place d’un village, foyer même de la propriété paysanne méritante, attachée aux traditions morales, cette scène est particulièrement parlante de cette célébration des valeurs du directoire. A gauche, devant les villageois attroupés, une femme et ses enfants aident une femme âgée qui se dirige vers le centre de la place, où deux villageois s’enlacent (illustration 1, ci-contre à gauche). C’est à la fois un signe de réconciliation entre les citoyens désunis sous « la terreur » et un signe d’union entre les générations, la sagesse et le dynamisme s’unissant et marchant ensemble en avant. Il en est de même à l’extrême droite où se tient un couple de vieillards portés en triomphe par des jeunes hommes coiffés de couronnes de lauriers (illustration 2 ci-contre à droite) Portant le couple en signe de « respect à la vieillesse », comme le marque la bannière surmontant le groupe. C’est la république des plus sages qui est portée encore par la jeunesse. La jeunesse masculine passionnée est ainsi tempérée et la vieillesse modérée est porteuse de valeurs desquelles il faut s’inspirer.
Au centre de l’image sont présents le maire et ses députés, reconnaissables par leur écharpe, tricolore unissant les deux côtés de la gravure, comme le directoire pour la France (illustration 3 ci-dessus). Derrière les représentants municipaux se tient une ronde de paysans dansant autour d’un arbre de la liberté qui arbore deux drapeaux tricolores (illustration 4 ci-contre à droite). Ce symbole de la concorde de la patrie est ainsi repris de la tradition révolutionnaire. En arrière-plan se tient entre autres un orchestre jouant sur une estrade conservant un vrai caractère de fête populaire et traditionnel à l’évènement.
La partie droite de l’image regroupe les valeurs prônées par la république. Les tables de la Loi (illustration 5 ci-contre à gauche) sont portées à côté de la Liberté sacralisée, représentée à travers une statue. La loi mène l’homme de l’Etat naturel et sauvage vers l’Etat de Droit. Un groupe de jeunes femmes coiffées de couronnes de fleurs, rappelant des Vestales dans leur vêtement est présent à côté de la statue arborant un drapeau tricolore où est marqué : « Nous jurons de n’épouser que de jeunes républicains défenseurs de la Patrie » (illustration 6 ci-dessous). Ainsi une rupture se réalise en rapport aux valeurs de 1789, voulant qu’il faille être bon citoyen avant d’être bon homme et père de famille. En 1795 un renversement est réalisé : les valeurs privées familiale, patriarcale sont placées au centre ; la morale fait désormais le bon citoyen. La famille est une véritable république et vice versa. De même c’est le citoyen-soldat défendant son foyer-patrie qui est mis en valeur.
La république Directoriale se veut moraliste en donnant des mœurs républicaines aux français. Par cette communication iconographique le directoire cherche à transmettre son programme moral présenté dans sa déclaration des devoirs de la Constitution de 1795. Cette allégorie d’une société idéalisée, unifiée et pacifiée nous montre un programme politique cherchant à réintégrer l'éthique au cœur de la société, l’idéal du sans culotte devenant celui du propriétaire bourgeois.
" Il est des chênes respectables
Que le fer ne toucha jamais
Et dont les cimes vénérables
Sont l’orgueil des vastes forêts
A la république,
Quel ombrage antique
Fait plus d’honneur, tous égards
Que les vieillards !
Quand le peuple, aux fêtes publiques
Voit, sur le front des vétérans,
Le vert des couronnes civiques
Se marier aux cheveux blancs
Ce tableau sublime
Lui plaît et l’anime
Il chante en chœur, de toutes parts :
Gloire aux vieillards ! "
Honorons les vieillards,
Pierre-Antoine-Augustin de Piis (1796)

Estampe, Poirier; burin, couleur. ; 34 x 38 cm; Paris; 1796

Estampe, Poirier; burin, couleur. ; 34 x 38 cm; Paris; 1796

Le "Néo-jacobinisme"
Radicalités de gauche et ses représentations
L'apparente faiblesse du Directoire passe par la volonté de ses acteurs de ne plus se réfugier dans un extrême politique qui ne représenterait que des minorités citoyennes. Le monde politique devient un monde d'"extrême-centre définit par l'historien Pierre Serna: il existe par « sa capacité à construire, au nom du repos de tous, les formes les plus rigoureuses d’utilisation de la force publique et par extension de tout le monopole de la violence d’Etat pour se maintenir au pouvoir. »
Les conventionnels de l’été et l’automne 1794 cherchent à se détacher du gouvernement révolutionnaire de l’an I et de l’an II en construisant un mythe monstrueux de la Terreur et de ses fervents acteurs, notamment Robespierre, pour mieux légitimer une nouvelle République. Ils conservent les mêmes structures que l’an II jusqu’à la décision de rédiger une nouvelle Constitution durant l’été 1795, afin de pacifier le pays, de stabiliser le régime et de mettre fin aux radicalités « jacobines » et royalistes. Ce nouveau régime, la République Directorial, se veut consensuel, autour de l’honnête homme, de la propriété, des meilleurs, tout en incorporant certains acquis de la Révolution.
Cette volonté politique passe par l’utilisation de la presse et particulièrement de l’image pour transmettre des idées nouvelles. Il s’agit donc d’une véritable communication politique, relayé par les nombreux graveurs, qui diffusent des concepts, une morale, et un pouvoir uni autour de ses représentants. Ils veulent transmettre un idéal politique.

L'étranger, sources de radialités
Le Directoire face aux patriotes européens
Cette gravure allégorique représente JOSEPH LE BON, posté entre les deux guillotines d’Arras et de Cambray, tenant deux calices dans lesquels il reçoit d’une main et s’abreuve de l’autre du sang de ses nombreuses victimes immolés au-delà de 550 dans les deux communes. Il est monté sur des groupes de cadavres entassés les uns sur les autres, d’un côté deux furiéa dignes compagnes de ce Cannibal animent des animaux moins féroces qu’elles, à dévorer les restes des malheureuses qu’elles ne peuvent plus tourmenter : de l’autre, sont nombre de détenus de l’un et de l’autre sexe, avancés sur le bord du précipice, tendant les mains au ciel, où ils aperçoivent la Convention Nationale à qui la justice dévoile la vérité, tenant deux brochures intitulées l’une les angoisses de la mort, où idées des horreurs des prisons d’Arras, rédigées par les auteurs dans leurs fers, l’autre ; atrocités exercées envers les femmes. Le fond du tableau représente des prisons et indique le résultat des ouvrages présentés par la vérité, ainsi donc répétons ce refrein du réveil du peuple :
Guerre à tous les gens du crime! Partagez l’horreur qui m’anime,
Poursuivons les jusqu’au trépas, Ils ne nous échaperons pas.

Estampe, eau-forte, outils ; 29,5 x 19 cm, anonyme, 1797, Paris

Estampe, eau-forte, outils ; 29,5 x 19 cm, anonyme, 1797, Paris
Les directeurs, pères de la patrie
« Légende : LA TRINITE REPUBLICAINE. Que d’actions de grâces les Républicains doivent aux trois directeurs BARRAS, REWBELL, et REVELLIERE-LEPAUX ! Qu’avec plaisir ils les proclament Sauveurs de la Patrie. C’est à leur union Courageuse et sacrée que nous devons la Constitution et la République »

Durant les élections de floréal an V (mai 1797) les monarchistes gagnent une centaine de sièges dans les Conseils. Les républicains conservateurs organisent, avec l’aide de militaires, un coup de force le 18 fructidor an 5 (4 septembre 1797). Le Directoire a donc besoin d’affirmer encore plus profondément son unité autour de ses valeurs et de ses dirigeants.
Cette estampe symbolique glorifie la nation française autour de son pouvoir exécutif. Le trio occupe le centre de l’image (illustration 1 ci-dessous) ; il forme une seule et même ligne. Revellière-Lépaux se trouve au centre, Reubell à gauche et Barras à droite. Les deux premiers refusèrent les élections de mai 1797 tandis que le troisième sa rallia plus tardivement durant l’été. L’absence des deux autres chefs de l’exécutif qui s’accommodèrent de la victoire monarchiste, Carnot et Barthélémy, révèle la position de la gravure qui est fondamentalement républicaine ; ils seront par ailleurs évincés après le coup de force. Parler de triumvirat serait inapproprié car ils ne voulurent jamais conserver le pouvoir dans leurs seules mains. L’association des trois symbolise l’union de l’exécutif autour de personnages profondément républicains, ceux qui participèrent à l’élaboration de la République Directoriale, union destinée à se poursuivre au travers de la poignée de mains auquel s’adjoint une sorte de bénédiction de Revellière-Lépaux. L’image véhicule également l’importance du pouvoir au travers du costume qui personnifie le pouvoir des députés et des directeurs. Le grand costume des directeurs symbolise leur position hiérarchique et a pour vocation d’impressionner le peuple et de les rassembler sous la même couleur.

Aux pieds des directeurs se trouvent trois drapeaux vantant les mérites de ceux qui participèrent à la grandeur de la république (illustration 2 ci-dessous) : les « frères d’armes », à savoir l’armée qui a défendu la patrie et conquis des territoires pour le régime ; les « Mandataires fidèles », les députés qui forment le cœur de la République ; les « écrivains courageux » de la Constitution de l’an III.

Autour des trois directeurs se trouvent de nombreux symboles destinés à montrer la République sous ses plus beaux atours.
(Illustration 3 ci-dessus) Il n’y a ni fleurs de lys ni hermine ni religion, mais un coq gaulois, symbole de l’aube qui s’étend sur le payx grâce aux libertés, la morale et aux valeurs. Les détenteurs du pouvoir exécutif sont encadrés, à droite par ce qui ressemble à un temple de la République, référence à la primauté de la raison sur la religion ; à gauche se trouve un arbre de la liberté, l’élément fondamental des fêtes révolutionnaires puis républicaines, et de l’attachement des français à celles-ci. Au-dessus se trouve un casque qui englobe les trois acteurs. À se base se trouve une équerre, symbole des directeurs, architecte de la nation. Cette impression de solidité qui se dégage de la construction, est renforcée par une branche de ce qui ressemble à du chêne, bois de la majesté et de la force. Vers la droite part, symétriquement au chêne, du blé alimentant les français, et symbole de la terre. La pointe du A présente deux piliers de la république directoriale : sa maxime est : Liberté, Egalité, Propriété : les deux premiers termes s’inscrivent dans la continuité de la Révolution car ils apparaissent dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Le troisième est l’ un des grands principes du Directoire, à savoir donner le pouvoir aux mains des propriétaires qui ont des intérêts et du temps à consacrer à leur engagement politique. De même, la mention de la Constitution de l’an III enracine toujours plus l’union des français autour de la loi qui doit mettre fin aux radicalités politiques.


Intermède
Pour mettre un terme à tous nos maux
Voulons nous prendre un parti sage
Proscrivons dabord certains mots
Qui flétrissent notre langage
Et de jacobins et de muscadins
Ne nous traitons pas davantage (bis)
Puisquon a vu des jacobins
Amis des lois, non du carnage
Puisqulon voit des muscadins
Dont Mars rend fort bon témoignage
Par ces vieux levains, de sobriquets vains
Pourquoi nous aigrir davantage (bis)
Poudrez vous, ne vous poudrez pas
Selon lair de votre visage
À la patrie en tous les cas
Cela peut il porter ombrage
A des cheveux longs, à des cheveux ronds
Nattachons aucun avantage (bis)
Du triste nom de « ci-devant »
Cessons surtout de faire usage
Car, du régime précédent
Lorsque le nouveau vous dégage
Chacun, sil fait bien dêtre citoyen
Doit avoir le même avantage (bis)
Songeons quà pied comme à cheval
Notre armée à grands pas voyage
Et que par un temps glacial
Dans Amsterdam elle emménage
Tels sont nos destins que même en patins
Nous aurons sil le faut lavantage (bis)
Pierre-Antoine-Augustin de Piis, N'en demandez pas davantage
Publiée dans le journal de Paris le 8 février 1795. la chanson fait référence aux jacobins et aux muscadins contre révolutionnaires, à la prise de la flotte Hollandaise au Helder en janvier 1795 , aux accords de la Jaunaye avec les vendéens et autres évenements de l'année en réclamant l'union nationale et la paix intérieure ...

Pour mettre un terme à tous nos maux
Voulons nous prendre un parti sage
Proscrivons dabord certains mots
Qui flétrissent notre langage
Et de jacobins et de muscadins
Ne nous traitons pas davantage (bis)
Puisquon a vu des jacobins
Amis des lois, non du carnage
Puisqulon voit des muscadins
Dont Mars rend fort bon témoignage
Par ces vieux levains, de sobriquets vains
Pourquoi nous aigrir davantage (bis)
Poudrez vous, ne vous poudrez pas
Selon lair de votre visage
À la patrie en tous les cas
Cela peut il porter ombrage
A des cheveux longs, à des cheveux ronds
Nattachons aucun avantage (bis)
Du triste nom de « ci-devant »
Cessons surtout de faire usage
Car, du régime précédent
Lorsque le nouveau vous dégage
Chacun, sil fait bien dêtre citoyen
Doit avoir le même avantage (bis)
Songeons quà pied comme à cheval
Notre armée à grands pas voyage
Et que par un temps glacial
Dans Amsterdam elle emménage
Tels sont nos destins que même en patins
Nous aurons sil le faut lavantage (bis)
Durant l’an IV ceux que le Directoire et les royalistes appellent les « anarchistes» pour les discréditer sont encore très actifs. Avec la Conjuration des Egaux autour du club du panthéon et de Gracchus Babeuf la gauche démocratique est présente dans le monde politique du Directoire. Néanmoins, après l’emprisonnement de la plupart de ses chefs le 10 mai 1796 par le Directeur Carnot puis suite à de sévères répressions, le mouvement décline durant l’année. L’affaire du Camp de Grenelle du 9 septembre 1796 est l’aboutissement de cette lutte contre les « jacobins » de la Constitution de l’an I : une division de l’armée, porteuse de nombreuses valeurs républicaines et sociales, se retrouve sur la butte de Grenelle et croit que la garnison du camp va participer avec elle à une insurrection. L’image est ici une estampe dont le nom : « l’attaque du camp de Grenelle », met de suite en avant la violence et la dualité politique. Une scène de bataille met en opposition deux camps : les partisans démocrates sur le côté gauche et les forces du 21ème régiment de dragon sur la droite, là où se trouvent le camp et les tentes.
Les « Néo-jacobins» : exclus du monde politique



Berthault, Pierre-Gabriel et Girardet, Abraham; estampe, eau-forte, 24 x 29 cm; Paris, 1802


Berthault, Pierre-Gabriel et Girardet, Abraham; estampe, eau-forte, 24 x 29 cm; Paris, 1802
Ces derniers sont majoritairement à cheval et chargent les fantassins qui tombent au premier plan, et fuient au second. La planche présente une attaque des hommes de gauche vers le camp et derrière l’arbre de gauche -probablement l’arbre de la liberté républicaine, on voit comme une foule d’hommes du peuple (qui ne sont pas habillés en militaire) dirigée par un homme de dos, dépersonnalisé, qui se rue sans ordre vers le camp. L’image présente ainsi un moment d’extrême radicalisation sous le Directoire, à savoir des scènes presque de guerre civile entre opposants politiques et idéologiques.
Certains personnages sont caractéristiques de l’imaginaire politique de l’époque. De nombreux hommes à pieds au premier plan au centre de l’estampe portent une sorte de bonnet qui peut rappeler les sans-culottes de l’an I et II. De même, les militaires du camp sont habillés d’une manière assez libre, chargeant comme sous l’Ancien Régime. Beaucoup émergent de la fumée dégagée par les armes, augmentant la peur dans le camp opposé. Il existe donc bien une profonde division à l’intérieur même du tableau qui représente les divisions politiques par l’habit, par les armes, la stature, l’attitude. L’horreur augmente d’autant plus que les maisons et les murs enferment la scène et la transforment petit à petit en massacre. Le procès de la Conspiration des Egaux commence le mois suivant (le 5 octobre) et cette affaire du 9 septembre eut probablement un rôle dans la cristallisation des tensions contre ceux que l’on considère comme « anarchistes ».
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En réalité les « jacobins » vinrent dans le camp pour rallier à leur cause la garnison de Grenelle qui riposta et tua plusieurs dizaines de membres. L’image est vectrice d’une violence fratricide mais ne semble pas prendre une orientation particulière. La date de publication de l’œuvre (1802) peut expliquer son existence. Le consulat voulu montrer son caractère providentiel pour la France qui serait en proie à une instabilité endémique. Présenter une guerre civile dans Paris en instrumentalisant des évènements d’extrême violence permet de montrer le caractère sauvage du passé. L’apparente neutralité de l’œuvre qui se voudrait informative cache une volonté de montrer les difficultés de l’année 1796 et peut participer à instaurer une légende noire du Directoire, aux mains des divisions entre anarchistes et républicains.
Cette République doit faire face à des oppositions parfois violentes face à un système politique de l'extrême-centre qui ne veut pas prendre parti. La radicalité des contre-révolutionnaires d’une part et des partisans de la Constitution de l’an II d’autre part entretient une dynamique qui ne faiblit pas malgré la répression organisée conjointement entre l’Etat et l’armée. Ces différents acteurs font perdurer une radicalité; chacune interagit avec les autres.
Ces radicalités s’expriment de différentes manières au travers de conspirations, de conjurations, dansl’espace privé ou dans l’espace public. Ces deux premiers mouvements sont étroitement surveillés par la police qui les personnalise pour mieux les discréditer autour de grands procès. Dans le troisième cas la radicalité de l’extrême centre fait de ces mouvements, de ces manifestations, des phénomènes hors la loi, que l'Etat peut alors réprimer par la force. La société n’est donc pas entièrement dépolitisée; elle reste parfois très engagée et militante.

Estampe, par James Gillray publié par Hannah Humphrey, 32,5 x 44,5 cm ,20 octobre 1796, Londres

Estampe, par James Gillray publié par Hannah Humphrey, 32,5 x 44,5 cm ,20 octobre 1796, Londres


L'imaginaire du sans-culotte: diablisation du jacobinisme
La vie politique et sociale de personnes en Grande-Bretagne a été profondément affectée par l’ onde de choc de la révolution française en 1789 et les guerres longues et épuisantes avec la France qui suivirent. Au début de la Révolution Gillray semble avoir été favorable aux idéaux de liberté et d'égalité développés par les radicaux français aussi bien qu’anglais. Cependant les nouvelles de la violence qui s’y déroulait et l'exécution de Louis XVI, le 21 Janvier 1793, le fit changer d’opinion. Gillray construit une image iconique du sans-culottes français : maigre, velu, et hyperactif, bestial dans sa violence et sa dépravation.
Dès le début de la guerre avec la France la même année, la peur a abondé concernant l'invasion de l'Angleterre ou de l'Irlande par les français. Dans ce contexte Gillray produit des impressions dans lequel il imaginait les horreurs d'une invasion française en Angleterre. Cette caricature politique dessinée en d'Octobre 1796 répond à la brochure de Edmund Burke, « Réflexions sur une paix régicide ». Cette image fait valoir la poursuite de la guerre avec la France pour éviter la faillite du Trésor britannique et l'invasion de l'Angleterre.
Il imagine les rues de Londres littéralement couvertent de sang, la destruction de ces monuments symboliques comme la Banque d'Angleterre incendiée par l’armée française qui défile victorieusement dans la capitale anglaise. A gauche de l’estampe est représenté le club de gentlemen de St James Stret le White’s, lieu de sociabilité et de jeu comme nous le montre les cartes à jouer et autres jeux dispersés sur les marches du bâtiment, siège emblématique du parti conservateur des Tories. Ces derniers sont massacrés par les soldats français qui s’élancent à l’intérieur du bâtiment des ennemis par excellence de la révolution française. Représentés par des traits similaires par des visages crispés et terrifiants les français poussent le roi et sa famille par-dessus la balustrade du club après avoir pendu à la lanterne des membres du club. L’auteur reprenant ainsi l’imaginaire des exécutions populaires ayant lieu en France au début de la révolution.
La figure du jacobin de l’An II est ainsi reprise à travers cette gravure cherchant à montrer la nature même du régime républicain sauvage et violent, même si celui-ci est désormais celui du Directoire plus modéré et conservateur. A travers cette scène saturée de personnages et d’action, le dessinateur cherche à démontrer la menace du mouvement des radicaux à l’intérieur comme en France, restant très présent sur la scène politique des deux pays. Angleterre et France se répondent ainsi mutuellement dans la question des question démocratiques. La Terreur sert d’antimodèle politique et d’épouvantail aux partis conservateurs face aux radicalités des patriotes anglais.
Ainsi c’est un véritable imaginaire du jacobin qui est créé par les nombreux caricaturistes anglais qui foisonnent d’idées de caricatures et d'images satiriques durant cette période. Le bonnet phrygien, une démarche décousue, un visage affreux, de yeux plein de haine et une arme à la main sont les codes réutilisés.
Face aux tories martyrisés les « radicaux » du chef de l'opposition Charles James Fox, qui est ici représenté comme un sans-culotte, sans pantalon du tout derrière sa guillotine, se réjouissent de l’invasion française et en profitent pour s’enrichir. Un whigs entre ainsi avec deux sacs d’argent dans le club Brook’s, lieu de réunion de ces radicaux. Les radicaux sont représentés dans un caractère de bonhommie les montrant comme d’une grande naïveté en relation à l’idéal français. Les codes des jacobins leur sont appliqués : le bonnet phrygien coiffe la lanterne du club, la guillotine est installée sur le balcon du club et la Justice de la Terreur est encouragée par un juge radical à côté de la guillotine brandissant le nouveau code de lois. Le Bill of Rights et actes du parlement sont abandonnés sur le pavé au profit du nouvel ordre révolutionnaire diabolisé par Gillray.
Au centre de l’image se tient un arbre de la liberté coiffé d’un bonnet phrygien ressortant de l’image grâce aux flammes sortant de la banque et sur lequel est inscrit « LIBERTAS ». Une symbolique du bonnet et de son inscription est utilisée à de nombreuses reprises pour montrer cette liberté prônée par les révolutionnaires comme liberté des extrêmes et de l’anarchie. Le bonnet est par ailleurs placé sur le même plan que le drapeau tricolore où est inscrit « Vive la République ». La violence de la scène montre la contradiction des valeurs prônées par la république en comparaison aux actes de violences dontelle fait preuve. Enfin sur ce totem de la liberté faussée le Premier ministre William Pitt est fouetté par la figure même du jacobin barbu ayant posé sa hache ensanglantée au sol.







Estampe par anonyme, eau-forte, 16,5 x 30,5 cm, Paris (1795-1799)

Estampe par anonyme, eau-forte, 16,5 x 30,5 cm, Paris (1795-1799)
Le élections de l’Eté 1795 virent l’obtention d’une majorité en faveur des députés royalistes. L’invalidation de ces élections enclencha un appel à l’insurrection par la section Lepeletier le 3 Octobre 1795 se tenant au théâtre Français. Devant la gravité de cette menace la Convention donna les pleins pouvoirs à une commission, mobilisa en urgence 4 000 soldats du camp des Sablons et arma 1 500 patriotes. Menou, chef des forces de l'ordre, ayant montré de la mollesse, fut remplacé le 12 par Barras qui s'adjoignit le général Bonaparte. L’usage de l’armée en cas d’insurrection populaire n’est pas nouveau. La mise en place d’un appareil de répression est nécessaire afin de désarmer l’opposition fortement active dans les villes et campagnes. En plus de la loi de grande police de Janvier 1795, le Directoire fait appel de plus en plus à l’armée qui s’impose comme le seul recours à l’ordre public ,instaurant une stabilité par l’écrasement d’une éventuelle opposition armée contre le Directoire. Le 13 vendémiaire (5 octobre) 20 000 insurgés composés de royalistes et de gardes nationaux issus des milieux bourgeois et conduits par Danican, se dirigent vers la Convention. Bonaparte envoie Murat chercher aux Sablons quarante canons qu'il dispose près de l'église St-Roch sur le chemin du groupe des manifestants. Cette estampe nous montre la violence des combats, la scène se situant à la fin des combats après les ¾ d’heure de mitraillage contre les révoltés qui sont en pleine débandade.


Les sans culottes: un foyer de radicalités a désarmer...et décridibiliser
A gauche sont placés les canons qui mitraillent, encore soutenus au second plan au centre de l’image par des soldats et en majorité des sans culottes armés par le Directoire. Enfin, à droite de l’estampe, sont présentés les insurgés fuyant la place ; une femme apparaît blessée, poursuivie par des sans culottes. Ce premier aperçu de l’ image nous montre une scène de massacre qui pourrait rappeler au lecteur de l’époque les scènes des massacres de Septembre de 1792. Les sans culottes pauvrement accoutrés, certains au visage laid et abimé, s’attaquent à des femmes et « d’honnêtes gens » comme nous le montrent leurs habits, sont presque désarmés face à la violence de la répression.
Des corps sont déshabillés sur un second plan cherchant à montrer la barbarie des sans culottes volant leurs victimes parfois démembrées. Cette violence de l’image est décuplée au premier plan avec à droite et au centre un insurgé, vêtu comme un muscadin se faisant dépouiller avant de recevoir un coup d’épée d’un sans culottes. L’un des sans culottes lui retire ses bottes, l’autre lui vole sa montre à gousset. Ces trois agresseurs sont représentés comme très pauvres avec des vêtements en lambeaux et des bonnets d’ouvriers, le tout cherchant à montrer la bestialité et sauvagerie des ces sans culottes dépourvus de morale et répondant à leurs émotions, agissant plus par l’appât du gain que par motivation politique (l’auteur démontre qu’ils en sont dépourvus).
Les insurgés sont ainsi peu nombreux face à l’immensité de la foule des sans culottes et cela renforce encore leur aspect de masse bestiale face aux manifestants plus civilisés. Le cliché traditionnel du peuple est ainsi relayé par le dessinateur, ce dernier cherchant à toucher un acheteur aisé et probablement bourgeois. Tout comme la victime de ces 3 sans culottes, les insurgés sont représentés à la mode de la jeunesse dorée de l’époque « les merveilleux » exhibant leur origine bourgeoise. Ceci ne les empêche pas non plus d’être armés, montrant qu’ils ont combattus mais ont été dépassés par le nombre et l’armement des sans culottes.
En avant plan à gauche de la gravure sont représentés sur le bas des marches deux insurgés priant pour survivre aux feux croisés des patriotes venant de la rue et de l’église. C’est presque avec une dimension de martyrs qu’ils sont représentés, les corps étalés sur les marches de l’église, d’autres démembrés, déshabillés et enfin une femme blessée symbole d’innocence. Les militaires ont ainsi une place mineure dans cette gravure qui tente de démontrer la brutalité des sans culottes et jacobins face à des royalistes manifestants inoffensifs, cette gravure nous faisant presque oublier que ce sont les muscadins les véritables insurgés.
Ainsi les directeurs n’hésitent pas à employer la force militaire contre les opposants à leurs desseins politiques. Ces derniers montrent par ailleurs les deux factions contre elles- royalistes contre jacobins- cette scène symbolisant une véritable atmosphère de guerre civile qui pourrait être perçue comme similaire à celle des temps du comité de salut public. En reprenant les codes et thèmes de l’imagerie de l’An II l’auteur cherche à dénoncer cette nouvelle dictature encore plus violente et réactualisée dans ce contexte de luttes entre différents modèles politiques.
Face à ces radicalités des deux bords le Directoire emploie des moyens de répressions violents dans une volonté de pacification et d’éradication de toute opposition populaire par la force. La violence de la répression allant jusqu’au mitraillage de manifestants montre que cette répression devait servir d’exemple en cas de futur soulèvement. La violence de répression était déjà très forte durant le siège du quartier Saint Augustin en Avril 1795 mais cette fois ci ce sont les ouvriers sans culottes qui terminent dans le sang. Les insurgés sont perçus ici comme des hors la loi, loi si chère aux directeurs, légitimant une action militaire contre eux. L’emploi de généraux contre de tel mouvements est ainsi rendue possible. Ces derniers ont ainsi une place prépondérante dans la conduite de la politique du directoire, devenant garants de la continuité de la politique par leur rôle de bras armés des directeurs.


Intermède
Notre montagne enfante un directoire
applaudissons à son dernier succès !
car sous ce nom inconnu dans l'histoire
cinq rois nouveaux gouvernent les français
talents vertus honneur du diadème
restez proscrits dans ce siècle d'airain
on peut sans vous monter au rang suprème
en mittraillant le peuple souverain
peuple trompé ! pour toi la république
doit être encore le mot de ralliement
mais tes cinq rois par une route oblique
la conduiront bientôt au monument
en adoptant un luxe ridicule
ils font gémir la sainte Egalité
à leurs aspect, la liberté recule
et dans leur coeur plus de fraternité
Le Directoire
Ecrite par "l'auteur des crimes de la convention" est cité dans la chanson le nom de Vendome qui fut le lieu du proçès des babouvistes en mai 1797 ce qui semble donc dater la chanson de cette année et non de 1795 cité aussi le camp de Grenelle.

bien trop petits pour produire un cromwell
sur ce chapitre on doit les épargner
ressuscitant chez nous Machiavel
leur système est : diviser pour règner
Vendome voit succomber les victimes
qu'au nom des lois égorge leur fureur
Champ de Grenele en attestant leurs cirmes
pour ces tyrans augmente notre horreur
la majesté du peuple est avilie
malgré l'éclat de leurs riches manteaux
et dans les camps l'amour de la Patrie
se réfugie à l'ombre des drapeaux

Estampe par D.Vrydag,édité par Te Amsterdam bij C. S. Roos Kunsthandelaar, 1796

Estampe par D.Vrydag,édité par Te Amsterdam bij C. S. Roos Kunsthandelaar, 1796

Estampe; feuille d'éventail; anonyme; eau-forte, pointillé, burin ; 17,5 x 46,5 cm; Paris; 1802

Estampe; feuille d'éventail; anonyme; eau-forte, pointillé, burin ; 17,5 x 46,5 cm; Paris; 1802
Jacques Godechot, dans sa thèse de 1938 Les Commissaires aux armées sous le Directoire, Contribution à l’étude des rapports entre les pouvoirs civils et militaires, a montré que le Directoire devait, de plus en plus, faire appel à l’armée pour se maintenir et que le pouvoir militaire devenait essentiel à la survie du pouvoir politique. Il arriva qu’il prit même la direction des affaires politiques notamment lors des conquêtes de la République. En 1797 la feuille d’éventail (objet qui connaît une recrudescence sous la révolution comme vecteur de communication politique) de « la PAIX Glorieuse An VIè » glorifie l’action d’un homme, le général Bonaparte. La paix de Campo-Formio est signée le 26 vendémiaire an VI (17 octobre 1797) entre le général Bonaparte et le comte de Cobentzel, représentant de l’empereur et donc d’un des premiers ennemis de la Révolution, l’Autriche qui remonte à la déclaration de Pillnitz le 27 août 1791. Cette paix est fondamentale dans la direction que prend la coalition contre la France car il s’agit de la première paix signée en vainqueur par la France républicaine qui réussit son pari de 1793 de résister à l’Europe toute entière. C’est la première victoire du mouvement radical révolutionnaire, signée par un seul homme.
Les généraux en politique
Très tôt, les puissances étrangères ont joué un rôle fondamental dans la Révolution française. D'abord attaquée, la République française devient conquérante à partir de l'été 1794 et surtout l'année 1795. Les Provinces-Unis, difficilement soumises à l'autorité autrichienne, sont "libérées" par la France qui instaure des régimes républicains. L'Italie suivra l'année suivante avec les conquêtes du général Bonaparte.
Ainsi, le radicalisme révolutionnaire a triomphé à l'intérieur du pays, puis il s'exporte créant un nouvel espace de radicalité, auquel s'oppose une nouvelle fois toute l'Europe.
Les Républiques-soeurs, radicalités endogène et influences françaises
Le 20 Janvier 1795, les troupes françaises suivies par les patriotes hollandais du général Daendels entrent dans Amsterdam ressuscitant le mouvement patriote décimé durant les années 1780 lorsque les tensions se cristalisèrent entre les différents mouvements politiques. D’un côté on a les orangistes représentant la vieille noblesse, l’armée, l’Eglise calviniste soutenant la Stadhouder et de l’autre le parti du régent structuré par des guildes, de la bourgeoisie urbaine partisane de la vieille constitution républicaine. Ce mécontentement arriva à un soulèvement pendant l'année 1784 qui aboutit à l'exil du Stadhouder Guillaume V l'année suivante. L'intervention de l'armée prussienne en 1787 mit un terme aux revendications des patriotes pendant 8 ans.



Cette scène représentée dans cette gravure est « Une fête de l’Alliance entre les républiques française et Batave » qui se déroule le 19 Juin 1795. C’est une véritable scène de libération qui est représentée à travers cette gravure. Tout autour de la place l’armée coalisée parade; on distingue que les corps d’armées hollandais d’hussards, grenadiers et fusiliers se mélange aux soldats français (centre de la scène, illustration 1 ci-contre à droite). Le graveur cherche à montrer une scène d’union à la fois nationale après des années de répression et opposition entre orangistes et patriotes mais aussi d’union républicaine entre deux républiques sœurs, montré ici dans un souci d’égalité et non d’omniprésence française. Cette gravure est réalisée durant une phase de résurgence du mouvement révolutionnaire hollandais réprimé dans les années 1780.Ces patriotes que l’on appellera bataves estiment que les armées françaises doivent servir d’auxiliaire de la révolution nationale et entendent conserver l’autonomie de leur mouvement. De son côté le Directoire cherche à avoir la main mise sur ce nouveau territoire, véritable eldorado pour les finances françaises. Le Traité de la Haye du 16 Mai 1795 imposant de lourdes contributions à la nouvelle république sœur échauffe les relations entre les deux républiques. La néo jacobine qui interagit entre les clubs français et des pays voisins est ainsi facteur d’un nouveau dynamisme politique.

Le bandeau de la légende reprend de même cette symbolique de l’Union républicaine avec la présence de trois médaillons (illustration 2, ci-contre à gauche). Celui de gauche représente la concorde entre les deux républiques se serrant la main au-dessus de l’autel de la patrie, le médaillon central décrivant l’union sacrée des deux peuples se serrant la mains et enfin le dernier médaillon représentant la république divinisée terrassant la tyrannie par le miroir de la vérité.
La foule est en liesse autour de l’armée (illustration 3 ci-contre à gauche), les couvre chefs sont brandis en signe de joie et de reconnaissance aux patriotes, les enfants sont portés par leur parents;on essaye tant bien que mal de se placer au plus près de la scène cherchant des points d’observation tant bien que mal quitte à tomber (illustration 4 ci-contre à droite). La foule salue cette victoire au balcon et le nouveau drapeau tricolore de la république batave est arboré sur la façade du Palais Royal. La scène est d’autant plus forte car elle se déroule en face de l’ancien Palais Royal où sur sa place les patriotes brûlent et détruisent les symboles du pouvoir (illustration 5, ci-dessous). Cette libération est ressentie comme un aboutissement d’un mouvement patriotique fort qui a émergé dans les années 1780 et qui continue d’influencer le dynamisme patriotique à la fois hollandais et français.





La République en guerre contre l’ensemble de l’Europe s’exporte et l’Italie sera un lieu d’expérimentation politique. La figure presque divine de Napoléon est au centre, en tenue militaire, avec le chapeau à la main pour mettre sa tête à nue et recevoir la couronne de lauriers portée par deux anges, symbole antique de sa grandeur et de ses victoires, loin d’être prévues au début de la campagne (illustration 1 ci-contre à droite). Il foule une carte des territoires conquis que tient une allégorie de la péninsule italienne, casquée, brandissant un imposant drapeau où est écrit : « Nouvelles Républiques ; Règne des Arts ; Alliance avec les français »(illustration 2 ci-dessous). Le message porte un projet politique qui repose sur le fédéralisme de la péninsule (cf Républiques et non République), où de nombreuses républiques devraient être créées avec la participation des patriotes italiens, dans la rédaction de différentes constitutions. Cette représentation n’est pas neutre et participe à un vrai projet radical de constitution d’une Europe républicaine, soeur (avec la création de deux républiques en Italie après celles du nord de l’Europe: celle Cisalpine et celle Ligurienne) autour de la République-Mère, la France. Celle-ci soutenait par ailleurs le fédéralisme en Italie (tout en l’ayant violement refusé durant l’an II) afin d’affaiblir la péninsule sous une multitude de petits Etats, ne pouvant alors concurrencer son voisin.
L’ange situé à la droite de Napoléon (illustration 3 ci-dessous) entérine cette victoire de la liberté des peuples sur l’Europe : il grave dans la pierre les acteurs de la victoire : Buonaparte, Jourdan, Hoche, Augereau, Moreau… La roche en forme de pyramide tend vers le ciel, rejoint la trompette de l’ange : celui-ci crie au monde les noms des grands hommes de la paix. Ce sont tous des militaires, il n’y a aucun homme directement envoyé par le Directoire pour la politique extérieure. Napoléon, aidé de ses officiers, de locaux, et d’une partie de la population, fera son fief républicain en Italie. Il sera le principal instigateur de la paix et des bouleversements en Europe. Le militaire devient politique, accentuant la radicalité dans le monde européen et l’on voit bien qu’aucune mention n’est faite du Directoire ou de la République de manière directe: apparaissent seulement le peuple français et le général signataire.
Il ne faut toutefois pas voir ici une irrémédiable ascension du général. Certain symboles attestent du pouvoir de la paix, non de l’homme : la République refuse encore la promotion d’un seul homme. Les abeilles (illustration 4 ci-contre à gauche), derrière les jambes de Napoléon Bonaparte, sont le symbole, selon le Dictionnaire des Symboles, Robert Laffont, 1969 du pouvoir et de la souveraineté. On peut interpréter la position de la ruche comme étant intimement liée à la paix et à la souveraineté du peuple, plus qu’au futur symbole du pouvoir impérial. Enfin la France respire après les assauts de ses ennemis. Le coq français (illustration 2) installé à la gauche de l’allégorie péninsulaire prend la direction de la victoire pour la France. Les idées révolutionnaires de la République s’étendent, il s’agit de l’aube de l’humanité, le Soleil se lève sur l’Europe et apporte la liberté aux peuples opprimés. Le coq est l’animal qui annonce l’arrivée du Soleil sur la Terre et donc l’arrivée des idéaux républicains dans le monde.
Des radicalités en interraction
La Révolution française opère un basculement dans son rapport avec le passé. Elle introduit dans son phénomène même l’idée de renverser les institutions déjà existantes pour les remplacer par d’autres selon une nouvelle idée politique. C’est ce qui se passe en Italie dans la construction de la République. Lorsque les armées françaises arrivent à Bologne le 19 juin 1796, le gouvernement pontifical est destitué puis la ville devient la capitale de la courte République Cispadane jusqu’à la création de la république Cisalpine.
Ici, l’allégorie très soignée présente le thème fondamental de la révolution, celui de la « table rase » selon Christian-Marc Bosséno. En effet, les armées républicaines, qui sont très militantes, apportent une culture qui leur est propre et qu’ils veulent à tout prix proposer, certes par la force, au peuple italien. C’est en cela qu’on les voit prendre en charge la déstructuration de l’ancien ordre à travers l’effacement symbolique du 4 d’une plaque. Ce 4 est associé au 0 pour donner 40, le nom du conseil qui administre la ville, la Quarantina. Ainsi, des 40 personnes qui dirigent la ville, les patriotes n’en gardent aucun, ils veulent tout recréer de leurs mains selon leurs idéaux et leurs amis italiens qui partagent minoritairement ces idées. Le rôle de ces derniers est fondamental dans l’instauration des républiques en Italie car ils furent bien souvent au courant de ce qui se passait en France, à Paris et dans les groupes jacobins ; le sud de la France étant un important lieu de transit d’humains et d’idées. L’historienne Annia-Maria Rao a d’ailleurs mis en avant les relations entre les français et les italiens dit « jacobins » (à tord) dans le mécanisme d’unification de l’Italie au XIXème siècle. Cela peut-être accentué sur l’image avec l’homme qui supprime le 4, de dos, qui semble jeune de par sa petite taille, avec un habit qui pourrait laisser supposer qu’il n’appartient pas au corps français. La France arrive et prend en charge directement l’organisation des villes italiennes, ce qui accroit la propagation des radicalités dans la péninsule.

A l’opposé de ces militaires vigoureux (ils sont les acteurs du mouvement avec le bras de l’homme au centre) se situe le représentant de l’aristocratie. Son habit de gentilhomme est clairement apparent avec une épée, symbole de son rang, et sa perruque qui sert à le distinguer du peuple. Il apparait clairement que les symboles de la noblesse (l’armée, l’uniforme) sont accaparés par la République qui a rendu le pouvoir au peuple autour des idéaux de liberté. Cet homme issu de la noblesse tient son visage dans ses mains et pleure de la disparition de l’ordre duquel il appartenait. S’enfonçant dans les ténèbres au premier plan, il est définitivement exclu du nouveau monde, celui de la liberté. En effet, les patriotes italiens et français eurent comme principale préoccupation de mettre fin au droit féodal, souvent sans la vigueur que ce mouvement eût en France. Néanmoins, cette gravure oublie que les français et les italiens durent parfois négocier de bonnes relations avec certaines autorités locales.
Enfin dans le fond, on voit la préparation d’une fête avec pour modèle les fêtes républicaines comme union des valeurs de liberté et d’égalité. La fête est un moment de promotion des nouveaux idéaux que les français eurent à cœur d’imposer systématiquement, dans leurs nouvelles conquêtes. L’arbre de la liberté est élevé, la cocarde suspendue au milieu de la Piazza Maggiore où se situait l’ancien pouvoir de la cité. Les symboles républicains envahissent le cadre de la politique des lieux conquis, ils sont inhérents à la diffusion du paysage mental du Directoire et les images permettent d’autant mieux la diffusion des idées par les emblèmes. Les territoires étrangers sont donc des lieux d’actions radicales, les conquérants laisseront, tout en encadrant, les patriotes italiens choisir leur nouveau régime (à Bologne, ils rédigeront une constitution), avant d’intervenir plus en profondeur pour installer la république Cisalpine qui fera l’union de l’Italie. Ces gravures allégoriques, en faveur des français seront très appréciées lors de la conquête et connaitront une importante diffusion durant l’effervescence de la libération.

Gravure, anonyme, Raccolta Bertarelli, 1797, Milan

Gravure, anonyme, Raccolta Bertarelli, 1797, Milan

Le Directoire en question
« La grande période de la République est désormais finie. Les rivalités de personnes prennent le pas sur les idées ; le Salut Public s’efface ou disparait derrière les intérêts privés ou derrière les rancunes et les passions. Le politicien remplace le politique » ; ainsi est présenté le Directoire par l’historien d’influence marxiste Albert Mathiez en 1929 dans La Réaction Thermidorienne mettant en évidence le caractère bourgeois de la République de l’an III ayant trahi les idéaux de la république sociale du gouvernement révolutionnaire de 1793.
Cette étude un peu trop rigide dans son analyse est aujourd’hui réévaluée par une approche plus objective de ce nouveau temps révolutionnaire. Ainsi Pierre Serna se détache-t-il d’une vision de cette période comme parenthèse historique, simple étape vers le Premier Empire dans une perception téléologique souvent trop présente. Il met en évidence l’importance de cette période de transition politique dans la perspective d’un nouveau dynamisme révolutionnaire. Cet aspect premier d’une république bourgeoise définie par Mathiez est perçue par l’historien comme une politique de « modération méritant d’être réétudiée, comme une authentique position politique revendiquée et ayant bien plus marqué la construction de l’espace politique français que les historiens l’ont pensé ».
Il s’agira d’étudier le phénomène des radicalités politiques en tant que facteurs construisant l’évolution des mentalités et structures sociales en tenant compte de la pression constante de groupes politiques. D’un côté se trouvent les contre-révolutionnaires royalistes et émigrés et de l’autre le groupe central dans ce processus politique, à savoir les jacobins de l’An III avec leur pensée de radicalité politique au centre des dynamiques de radicalités de la période.
Les images étudiées représentent l’imaginaire culturel et la pensée politique des différents acteurs de la dynamique de radicalité politique. Marqueurs d’une forme spécifique de radicalité par leur graphisme et leurs traits d’exagération, elles contribuent à véhiculer un message dénonciateur d’un évènement ou d’une figure politique. Certaines ont un but purement informatif, délivrant un évènement, une émotion populaire, un idéal populaire ; d’autres ont un but plus symbolique et même allégorique ; certaines sont porteuses d’un but plus caricatural, apparaissant particulièrement virulentes par le message dénonciateur qu’elles véhiculent. Nous tâcherons d’étudier une série d’illustrations qui se placent dans ce contexte particulier de transition politique et de nouvelles radicalités. Elles relèvent surtout d’un univers médiatique héritier du foisonnement journalistique datant de la première période révolutionnaire mais fortement contrôlé par le Directoire. Ce dernier a restreint la diffusion d’images critiquant le gouvernement à travers les journaux mais cela n’a pas empêché un développement clandestin ou une diffusion via l’étranger. L’analyse des images nous permet donc d’obtenir une vision globale et contrastée de l’époque et de mettre en lumière les dynamismes de radicalités qui s’y déroulent. Les images ont un rôle d’informer mais aussi de critiquer, donc de forger une opinion politique. Elles ont un impact persuasif, un pouvoir émotif et un rôle d’identification en sachant que la communication par l’image représente un outil puissant proposant un langage symbolique que chaque lecteur interprète en lui donnant du sens.
Il nous faut dans un premier temps d’analyser cette construction d’un système politique novateur du Directoire pouvant être perçu comme une république de l’extrême centre durant cette phase de stabilisation politique de l’après Terreur. Le programme institué crée sa propre radicalité afin de répondre aux pressions des jacobins toujours très actifs. Il s’agira d’étudier leur rôle mais aussi la radicalité du directoire face à ces menaces et projets démocratiques. Enfin la radicalité est à placer dans un contexte plus large en englobant les mouvements radicaux des républiques sœurs. Ces relations entre le Directoire et les groupes placés à l’étranger seront à analyser dans cet échange d’idées et de modèles politiques entre ces différents groupes.


Pour conclure
Ainsi le Directoire ne met pas fin à la dynamique révolutionnaire. S’il tente effectivement de mettre un terme aux idées politiques perçues comme extrêmes, il ne peut empêcher de nombreux acteurs de se soulever contre son existence, ses conquêtes, son pouvoir. La première coalition de 1796 à 1797 puis la seconde à partir de 1798 jusqu’en 1802 sont actives pour faire disparaitre cette République qui propage ses idées dans l’Europe entière. Les images attestent de ces mouvements multiples qui font office de communications politiques pour de multiples acteurs dénonçant l’adversaire, promouvant l’allié et les dirigeants de son pays. Les gravures pouvaient être facilement vendues dans les rues, particulièrement lors d’évènements importants (comme le procès national de Le Bon) et elles permettaient à une majorité d’hommes du peuple de s’informer sur ce qui se passait en plus des journaux. Leur maîtrise par les politiques, les militaires et les militants était donc fondamentale pour promouvoir leurs messages et leurs idées.
Mettre fin à une radicalité, dénigrer l’existence de l’adversaire, attaquer l’ennemi, refuser la propagation de la Révolution chez soi, caricaturer une personne qui personnifie une position politique, voilà les enjeux de la maitrise de l’image qui prennent tout leur sens lorsque deux mondes s’opposent directement par la voie militaire mais plus encore par la voie idéologique ! Ainsi, la communication devient une voie d’action essentielle du milieu politique ; elle permet de glorifier ou de refuser des actes, d’exacerber des sentiments nationaux. La construction de l’Empire autour des peintures de David et des images permettant la valorisation des conquêtes de Napoléon Bonaparte par rapport au Directoire qui n’aurait été qu’ « anarchie » et lutte civile entre démocrates et les faibles directeurs est issue de ce travail européen pour la promulgation de la politique pour tous à travers un outil compréhensible par le plus grand nombre. Cette attaque permanente contre les « néojacobins » ou démocrates finira par cristalliser l’attention sur eux, les poussant petit à petit à se cacher et devenir une minorité dans le champ politique.
En outre il existe une intéressante continuité dans les symboles issus de la Révolution sous la République puis sous le Directoire et enfin sous l’Empire. Les abeilles remplacent la fleur de lys, l’arbre de la liberté survit quelque temps sous le Consulat, les fêtes révolutionnaires se républicanisent. Ainsi le général Bonaparte ne doit pas être vu uniquement comme un opportuniste qui profita des circonstances pour s’emparer du pouvoir : c’est un homme issu de l’an II, profondément républicain qui connait par cœur les thèmes et les acquis des idées de 1789. Il réutilisera les symboles pour sa République impériale et légitimera d’autant plus son pouvoir.
